Author: Juliette Lagrue
What retail can learn from customer relations in Palace
Il y a 70% de chance que lorsque vous offrez un cadeau à votre client, ce dernier ne le touche pas. Une bonne leçon retenue, après tant de cadeaux offerts à Noël, est que pour qu’un cadeau plaise, il faut qu’il soit personnalisé. Et pour cela, il faut connaître son client. Est-ce qu'il ne s'agirait pas de la première difficulté entre un client et une marque ?
Retail ou hôtellerie, le problème est le même : la relation-client ! Celle-ci repose sur deux piliers fondateurs : un personnel de vente compétent, à l’écoute, motivé, et un outil CRM performant.
Au Plaza Athénée, la première étape dans notre gestion de la relation-client a été d’investir dans un outil CRM puissant et adapté à notre secteur d’activité. Et une fois l’investissement réalisé, d’aller le nourrir en amont, au moment de la réservation de nos clients - ou pour le retail, la commande - pour mettre à jour leurs profils. C’est le cœur de toute notre activité : pour être dans la petite attention, dans l’ultra-personnalisation, il faut une connaissance extrêmement poussée.
Les piliers de la relation-client
Une relation-client qui se travaille en amont et sur le terrain
La connaissance client est donc la première brique d’une relation qui dure. En hôtellerie, le “profilage” en amont est utilisé pour savoir à qui nous nous adressons, et peut servir comme base de conversation pour une première approche. Cependant, on ne s’arrête pas à un simple bonjour lorsque le client arrive dans notre lieu. Aujourd’hui, un client attend beaucoup plus.
Le click & collect est un bon moyen de se préparer à recevoir le client. En fonction de son achat en ligne il est possible de proposer à son arrivée dans la boutique des produits additionnels avec la taille correspondant. Il s’agit également d’un moment pour échanger avec le client : comment il a découvert ce produit (médias sociaux, directement sur le site, recherche spécifique), s’il s’agit d’un cadeau…
Sur le terrain, lorsque les équipes n’ont pas ou peu de connaissances sur le client, et chaque interaction est une vraie source d’information. A partir de quelques caractéristiques clés que nous observons sur la personne ou qu’elle nous révèle, nous pouvons adapter notre discours. Sans tomber dans le cliché, une cliente qui porte des baskets éco-responsables sera sûrement sensible aux produits éthiques. Dans la conversation avec le client, nous allons pouvoir valider ces informations, ou non, et elles seront intégrées au CRM par la suite.
Mais surtout, le client doit avoir le sentiment d’être écouté. Dans l’hôtellerie, il existe des concierges qui sont à la fois proactifs et à la disposition du client pour toute demande. Ils sont au courant de leur programme pendant leur séjour.
Sans avoir un rôle aussi poussé qu’un concierge, l’interlocuteur du client dans une boutique doit faire preuve de curiosité envers lui. Nous pouvons être informés de quelques éléments de sa journée. Si celui-ci est en journée shopping nous pouvons lui proposer de garder ses sacs dans la boutique pour ne pas s'encombrer. Anticiper les demandes du client avant même que celui-ci y ait pensé prouve la disponibilité et l’écoute du vendeur.
Les données déjà stockées grâce aux premières interactions avec le client, vont être complétées par les nouvelles informations récoltées pendant le parcours.
Segmenter sa clientèle et s’adapter
Faire de l’ultra-personnalisation oui, mais comment ? Évidemment suivre chaque client un à un en recueillant et mémorisant suffisamment d’informations pour créer des expériences uniques, relève de l’impossible. Même avec un outil CRM très performant ! C’est pourquoi il est important de segmenter ses consommateurs.
Il faudra alors identifier les potentiels portes paroles de la marque. Premièrement, ceux qui ont un pouvoir de nuisance sur son image et qui peuvent entraîner la perte d’autres clients potentiels. C’est également ceux qui ont une influence sur les médias, tous médias confondus. C’est pourquoi il faut réussir à identifier les prescripteurs de la marque qui peuvent par la suite devenir des ambassadeurs.
Enfin, il faut nourrir les clients qui portent la marque dans leur coeur, les clients fidèles qui reviennent souvent. De l’affect va se développer envers ces clients, il faut savoir les récompenser, et donc être attentifs à leur venue. Et surtout, ne jamais les considérer comme acquis.
Pour autant, tous les clients n’apprécient pas les mêmes attentions. Certains vont être pressés et vont souhaiter que le service soit rapide. Dans ce cas, il faudra mettre de côté toutes les fioritures et répondre à leurs demandes rapidement. C’est l’ultra-personnalisation, le produit sur-mesure. Pour autant, il y a un équilibre à trouver. L’empreinte de la marque ne doit pas totalement s’effacer au profit de l’identité du client. Le curseur de cet équilibre se fait grâce à l’analyse.
L’importance de la mobilisation des équipes
Chaque contact entre le client et un membre de l’équipe influe sur le fait qu’il reviendra ou non. Tous les acteurs de l’entreprise participent à l’expérience client. “Le service relation client ne devrait pas être un département à part, il devrait transpirer à travers toute l'entreprise”, Tony Hsieh, co-fondateur de Zappos. Il faut donc mettre en place une organisation qui transpire cette obsession de l'expérience parfaite.
Cela passe premièrement par un système d’incentive. Nous invitons le personnel à faire des bonnes actions, à créer une attention mémorable qui fera la différence auprès du client durant son expérience. Nous enregistrons les différentes actions et élisons les meilleures avec les félicitations du directeur.
Cela passe aussi, et surtout, par la communication. Il y a beaucoup de briefing pour prendre du recul afin de créer des ponts entre chaque département. Les professionnels dans l’hôtellerie-restauration sont accaparés par leur quotidien effréné, ce qui engendre parfois un manque de communication inter-service. Ils ratent ainsi des informations essentielles qui pourraient améliorer le service qu’il délivre. Comme nous devons être attentifs aux clients, pour ne perdre aucune information et éviter des demandes répétitives, nous nous efforçons de communiquer et de conserver les informations dans un outil centralisé pour que chacun y ait accès.
L'expérience parfaite est lorsque le client ne se rend pas compte de toute l’équipe mobilisée derrière lui pour que son séjour soit marquant. Il doit y avoir une fluidité dans l’utilisation des informations récoltées afin que chaque service soit coordonné, sans que cela ne se voit.
Et c’est la même chose dans une boutique ou en ligne. Demander plusieurs fois la taille aux clients, ses coordonnées au moment du passage en caisse… Toutes ces informations qui ont déjà été dites une première fois. Nous pouvons faire un lien également avec des multi-marques comme Sézane et Octobre ou Les Petits Raffineurs et les Raffineurs qui pourraient lier les fichiers clients pour éviter de demander les mêmes informations.
Et il y a encore beaucoup de progrès à faire pour avoir des outils digitaux qui répondent totalement à ces différents besoins.
Créer une relation client durable
Gérer les points de friction
Tout parcours client, l'hôtellerie n’en est pas exempt, comporte des “points de friction” qui entravent la relation. Prenez l’arrivée dans un hôtel, le “check-in” et le passage en caisse, le “check-out”, comment gommer ces points de tension ?
Il y a d’abord un travail en interne pour supprimer ce vocabulaire très formel. Nous avons par exemple transformé le “check-in” par “l’arrivée du client”.
Ensuite, nous connaissons tous ce moment où l’on demande tout un tas d’informations aux clients : son adresse mail, son code postal, sa carte de fidélité, le fameux “ce sera pas carte ?”… Le tout tapé gaiement sur un ordinateur. Il s’agit d’éléments qui dégradent l’expérience utilisateur et ralentissent le parcours client.
L’hôtel de Crillon a transformé le traditionnel comptoir de réception en format bureau. On a donc l’impression de s’entretenir avec le réceptionniste plutôt que de passer à la caisse.
Transformer le passage à la caisse par un moment d’échange convivial dans une boutique est possible. Nous voyons apparaître dans les boutiques des coins “salons”, pourquoi ne pas les utiliser pour justement échanger avec le client et procéder au paiement. C’est également l’un des enjeux des boutiques-appartements. Phénomène récent, ces lieux sont conçus pour habiter, mais ici, tout est à vendre. Vrai pouvoir immersif, les boutiques appartements gomment volontiers les points de frictions.
La Conciergerie Sézane est un bel exemple de gestion de points de friction. Plutôt que d’aller chercher son colis cartonné sous la forme click & collect avec aucune différence versus un Mondial Relay, Sezane propose une expérience comme en magasin. Le produit est dans un sac shopping et la Conciergerie propose d’autres services (envoie de courrier, recharge de téléphone, café, petit tour en boutique…).
Saisir chaque opportunité pour mieux connaître son client, a.k.a traiter la plainte
Une réclamation d’un client liée à une insatisfaction durant son parcours d’achat est quelque chose de commun dans chaque secteur. En hôtellerie, nous percevons les incidents comme des opportunités pour creuser la relation-client :
- C’est d’abord un moyen de cerner la personne et de connaître ses attentes.
- C’est aussi l’une des manières d’adapter le niveau de personnalisation dont le client a besoin.
- La plainte permet également de rentrer en contact avec des clients avec qui on a pas eu le temps de discuter. Il s’agit d'une autre manière d’approcher le client, de prendre le temps de l’écouter et d’obtenir d’autres feedbacks.
La clé est de savoir clôturer ces incidents. Il est important, à la fin du séjour, de lui demander si la résolution de son problème était à la hauteur de ses attentes. C’est une forme de suivi appréciée par le client.
Un renvoi d’un colis suite à un dysfonctionnement, nous pouvons facilement nous assurer dans un mail personnalisé que le client est content de la solution qu’on lui a apportée.
Et en cas de gros litige, ne pas hésiter à offrir un cadeau adapté. Cela peut être un accessoire supplémentaire à la tenue pour transformer un mécontentement en remerciement. Le consommateur n’oubliera pas à coup sûr le différend mais l’effort et les excuses de la marque permettent de mettre un terme à une expérience négative et de repartir sur de bonnes bases.
Conclusion
Il ne faut pas oublier que la relation-client ne s’arrête pas au parcours d’achat, le lien se conserve à posteriori en marquant les temps forts. Cela peut évidemment être les anniversaires, mais pas seulement. Pendant le confinement, nous avons par exemple pris le temps de prendre des nouvelles de nos clients sur différents médias. Ne pas simplement communiquer sur l’entreprise et ses salariés mais demander des nouvelles à nos clients et prospects.
Certains clients fidèles ont même notre numéro de téléphone afin de nous contacter quand ils le souhaitent pour des demandes spécifiques. L'hôtellerie de luxe privilégie toujours une relation durable avec un seul interlocuteur, son “référent”, pour favoriser un lien plus fort avec le client. Le référent varie de client en client, mais devra toujours être celui avec qui il y a eu une bonne entente, quelle que soit sa hiérarchie. Cela pose évidemment la question des ressources humaines, et de la longévité des salariés dans les équipes. Est-ce que l’on ne dit d’ailleurs pas que les premiers clients d’une marque sont ses employés ? A méditer...